Le cri pour l’amour de Dieu et des Hommes

Notre Dame des Neiges, 17 juillet (1901)

Mon très cher Père, (au Père Jérôme)

Quelle joie c’est pour moi de vous écrire après ce long silence […]

J’écris longuement au P. Henri; je le prie de vous montrer ce que je lui écris, vous y verrez la vie de mon âme, mes désirs, mes projets, ce que je crois mon devoir de faire, malgré mon indignité et mon impuissance. Si je comptais sur moi, mes désirs seraient insensés, mais je compte sur Dieu qui nous a dit: […] « Aimez votre prochain comme vous-même, faites à autrui ce que vous voudriez qu’on vous fasse ». Il ne m’est pas possible de pratiquer le précepte de la charité fraternelle sans consacrer ma vie à faire tout le bien possible à ces frères de Jésus à qui tout manque puisque Jésus leur manque.

[…] Ce que je voudrais pour moi, je dois le faire pour les autres: « Fais ce que tu veux qu’on te fasse », et je dois le faire pour les plus délaissés, pour les plus abandonnés, aller aux brebis les plus perdues, offrir mon festin, mon banquet divin, non à mes frères, ni à mes voisins riches (riches de la connaissance de tout ce que ces malheureux ne connaissent pas), mais à ces aveugles, à ces mendiants, à ces estropiés, mille fois plus à plaindre que ceux qui ne souffrent que de leur corps. Et je ne crois pas pouvoir leur faire de plus grand bien que celui de leur apporter, comme Marie dans la maison de Jean, lors de la Visitation, Jésus, le bien des biens : […] et en même temps, tout en se taisant on ferait connaître à ces frères ignorants, non par la parole, mais par l’exemple et surtout par l’universelle charité, ce qu’est notre religion, ce qu’est l’esprit chrétien, ce qu’est le CŒUR de JÉSUS.

Priez pour moi, mon bien cher Père: vous voyez à quel point votre indigne frère en JÉSUS a besoin de vos prières; il compte sur elles; et vous depuis ma première Messe jusqu’à la dernière de ma vie, vous serez toujours dans mon mémento. J’ai été ordonné prêtre le 9 juin, et j’ai dit ma première Messe le lendemain. Et vous, où en êtes-vous des études et des Ordres? Vous avez, sans doute fait vos vœux solennels il y a un an; et le sous-diaconat a probablement suivi. Donnez-moi longuement de vos nouvelles, mon si cher Père, vous sentez combien elles me seront douces, après ce long silence qui m’a coûté: il me sera doux de revoir votre écriture.

 […] Priez pour moi afin que je me perde en JÉSUS avec sainte Magdeleine et saint Jean-Baptiste et surtout la sainte Vierge et saint Joseph, et je demanderai la même chose pour vous, mon si cher frère en JÉSUS. Oh! Puissions-nous nous perdre et nous abîmer jusqu’à la mort dans l’océan de l’Amour de notre Bien-Aimé JÉSUS ! Amen.

Votre humble frère qui vous aime religieusement dans le CŒUR SACRE DE JÉSUS,

Charles de Jésus

« Cette Chère dernière place ».

Lettres aux frères de la Trappe

Charles de Foucauld